Présentation :
De plain-pied...
« My goal as a writer is more to comfort than to disturb » (Mon but en tant qu’auteur, est plus de réconforter que de déranger). Cette phrase de la musicienne canadienne Joni Mitchell sied particulièrement à l’œuvre et à la personnalité de Patrizia Gattaceca. La dame rousse de Penta Acquatella partage bien des traits avec la dame blonde de Laurel Canyon : cette générosité immédiate, ce talent de conteuse de l’âme féminine, cette voix cristal- line qui tutoie les cimes... Elles ont en n en commun cet amour pour la « folk music », cette « musique du peuple » dont elles ont écrit les plus belles pages, l’une au bord de l’océan Paci que, l’autre au cœur du Mare Terraniu.
Un peuple, une terre, une musique, c’est tout ce dont il est question dans cet ouvrage somme qui explore le plus petit dénominateur commun de la création artistique et de sa mystérieuse perfection : la chanson. Et l’importance que celle-ci revêt dans notre culture depuis toujours.
De la tradition orale des paghjellaghji à l’époque des caba- rets, en passant par les groupes folkloriques jusqu’à la période fondatrice du Riacquistu et au-delà, l’inconscient collectif insulaire est plein de ces entêtantes ritournelles qui ont jalonné la vie et les expériences de chacun d’entre nous. Qu’elles soient familiales, politiques ou sentimen- tales, elles sont souvent associées à un air, des mots, tel ce fameux « truc qui colle encore au cœur et au corps » de Laurent Voulzy dans Rockcollection.
Dans l’île, ce côté « madeleine de Proust » de la chanson est encore plus puissant et prononcé. Vient en e et s’y adjoindre une autre expérience, elle aussi ô combien fondatrice : pour la majorité des Corses et ce dès leur plus jeune âge, le chant est souvent le premier contact avec la langue. Tante parolle strappate o false note ma ùn vulia dì, l’impurtente era di cantà. Une réappropriation d’abord orale, fondée sur le partage des sensations d’une expression commune, puis ensuite chargée de sens, quand les paroles deviennent une porte d’entrée vers une compréhension plus approfondie et un premier apprentissage vers l’écrit. Tel un abécédaire musical, ce corpus vocal continue encore de guider les générations dans leur découverte de la langue, et d’inspirer nombre de jeunes artistes, comme en témoigne la vitalité de la scène insulaire.
Un « cantu in mossa » di sicura, et il fallait bien à Patrizia Gattaceca tout son amour et sa connaissance de la chan- son insulaire en tant qu’auteur-compositeur-interprète et acteur culturel, pour trans gurer ce colossal travail de recherche et donner à ce livre son liant, ce fameux supplément d’âme. Elle-même poétesse, elle accorde une attention toute particulière aux auteurs, en reproduisant in extenso certains de leurs textes fondateurs. A libertà, a terra, a lingua, ou La Trinité mythologique de l’inspiration insulaire.
L’avete capita, à stu libru ùn li manca più ch’è a parolla... è a musica !
" In tantu vogliu sta canzona da i culori tepidogni ch’è n’emu ansciatu, un’aria linda chì ribomba, u versu c'è no averemu sceltu, in tantu..."
(Patrizia Gattaceca, In Tantu, album Passagera, 2015, éditions Ricordu)
Frédérique Balbinot
Participants :